Partagé entre les mathématiques, la physique et l’astronomie, à la fois théoricien et expérimentateur, Christiaan Huygens a été l’un des précurseurs de l’esprit scientifique moderne, dans la lignée de Copernic et de Galilée. Digne représentant du bouillonnement intellectuel qui fit des Pays-Bas une oasis au milieu de l’obscurantisme européen du XVIIe siècle, Huygens a conçu, entre autres choses, le principe de l’horloge à pendule, ouvrant la voie au développement de la précision horlogère.

Alors même s’il n’est pas seulement horloger, il fait parti des grands inventeurs qui ont révolutionnés ce domaine.

Christiaan Huygens et son siècle

Christiaan Huygens voit le jour le 14 avril 1629, au sein d’une famille de dignitaires de la maison d’Orange, à La Haye. Son père, Constantijn, à la fois poète et diplomate, lui assure une éducation exemplaire jusqu’à l’âge de 16 ans, et lui fait bénéficier de son cercle d’amis, dont René Descartes. Le jeune Christiaan est donc à bonne école. C’est peut-être pour cette raison qu’il développe, très tôt, une attirance particulière pour le fonctionnement des machines et les mystères de la nature. Tout en menant ses premières expérimentations enfantines sur des moulins, il se fascine pour les ondulations que produit sur la surface de l’eau le jet d’une simple pierre.

Après des études de droit et de mathématiques à Leyde puis Breda, il jette son dévolu sur les sciences physiques et l’astronomie, deux disciplines auxquelles il intègre ces mathématiques qu’il aime tant. Christiaan a la chance d’avoir grandi dans un pays qui, au XVIIe siècle, incarne une oasis de libre pensée et de prospectives scientifiques, rendues possibles par une totale liberté de culte, au cœur d’une Europe étourdie par l’obscurantisme religieux. C’est ce qu’on appelle le « siècle d’or », qui vit nombre de penseurs européens se réfugier en Hollande pour y travailler en paix, comme Descartes.

C’est dans ce contexte que le jeune Christiaan mène ses premiers travaux scientifiques : l’élucidation des règles du choc, en 1652 ; la publication, en 1657, de son premier ouvrage (et du tout premier de ce genre) sur le calcul des probabilités ; le calcul de la force centrifuge ; ainsi que ses travaux sur la théorie du pendule oscillant, avec la volonté de rendre la mesure du temps plus précise. Les découvertes et les publications s’enchaînent, aussi bien en astronomie, en physique ou en mathématiques.

En 1666, il s’installe à Paris, sous la protection de Colbert. Grâce à l’intervention de ce dernier, Christiaan bénéficie d’une importante pension versée par le roi Louis XIV – une sérénité financière qui lui permet de se consacrer entièrement à ses travaux. Pendant les quatorze années qu’il passe en France, il est élu à l’Académie des sciences (en 1666), après avoir été reçu au sein de la Royal Society anglaise, et participe à la construction de l’Observatoire de Paris, achevé en 1672.

Christiaan Huygens finit par retrouver son pays en 1680, lorsqu’il fuit les persécutions qui s’aggravent en France contre les protestants. Sérieusement malade, il s’éteint à La Haye, sa ville de naissance, le 8 juillet 1695.

Un homme de science(s)

Dans son best-seller Cosmos, l’astrophysicien Carl Sagan rend hommage à Christiaan Huygens tout en soulignant la grandeur du « siècle d’or » hollandais qui a permis à de tels hommes de développer leur pensée. Il y décrit en quelques lignes certaines des impressionnantes découvertes de Huygens, qui fut le premier à :

  • Calculer la taille d’une planète autre que la Terre ;
  • Spéculer sur la présence d’une couche de nuages tout autour de Vénus ;
  • Repérer des taches sombres sur la surface de Mars et s’en servir pour estimer la durée du jour martien ;
  • Découvrir les anneaux de Saturne et observer qu’ils sont constitués de roches ;
  • Découvrir le plus gros satellite de Saturne, Titan.

Et tout cela, précise Carl Sagan, avant de partir en France, entre ses 20 et ses 30 ans ! (Voir Cosmos, édition américaine chez Ballantine Books, New York, 1958, p. 118).

Et c’est loin d’être tout. Dans les trois disciplines qu’il maîtrisait, Huygens a encore été le découvreur ou le continuateur de nombreuses théories qui ont eu une incidence bien au-delà de sa mort : l’observation de la nébuleuse d’Orion (dont la partie la plus lumineuse porte le nom de « région de Huygens »), le calcul de la force centrifuge, la théorie ondulatoire de la lumière (explicitée dans son Traité de la lumière en 1690), ou encore la mise en évidence, en 1673, du principe du moteur à combustion interne (un cylindre métallique vidé de son air et rempli de poudre à canon qui, sous l’effet du réchauffement, déplace un piston), qui mènera à l’invention de l’automobile… deux siècles plus tard !

Pour Sagan, comme pour une majeure partie de la communauté astrophysique, Huygens est également l’homme qui a conforté l’hypothèse copernicienne d’une Terre tournant autour du Soleil, qui a explicité l’idée que les étoiles de la voûte céleste sont autant de soleils proches du nôtre, et qui a décrété qu’autour de ces soleils devaient tourner d’autres planètes semblables à la Terre, avec leurs habitants.

Christiaan Huygens et l’horlogerie

C’est toutefois dans la discipline de la physique qu’Huygens fait ses découvertes les plus remarquables. Ces innovations ont principalement concerné le domaine des horloges et des montres, et ont permis de perfectionner ces appareils.

  • En 1656, Huygens invente l’horloge à pendule. Pour cela, il se base sur les travaux de Galilée et de Bürgi, et en confie la réalisation à l’horloger hollandais Samuel Coster. Il reprend la formule de Galilée sur l’isochronisme du pendule, qu’il perfectionne pour l’adapter aux horloges et les rendre plus précises, en remplaçant le foliot par un pendule comme régulateur du mouvement.
  • En 1659, il perfectionne encore l’isochronisme du pendule, en produisant le pendule cycloïdal. Il place, à proximité du point de suspension du pendule, deux joues cycloïdales qui contraignent la tige semi-rigide à décrire une cycloïde ; ainsi, la période d’oscillation est constante, quelle que soit l’amplitude (en corrigeant, au passage, les démonstrations de Galilée).
  • En 1673, il publie Horologium Oscillatorum, un volume dans lequel il explique le fonctionnement et le montage d’une horloge à pendule. Cet ouvrage fait suite à un premier opus, Horologium, publié en 1658, qui décrivait le modèle innovant du pendule et son système d’échappement, sans s’aventurer encore dans les applications horlogères
  • En 1675, il met au point le ressort spiral, et présente un premier modèle de montre à balancier-spiral à la Royal Society la même année, fabriquée par l’horloger français Isaac Thuret. Il est le premier à avoir appliqué cette invention de façon probante, mais il n’est pas parvenu à compenser les erreurs dues aux variations de température.

L’impact de Christiaan Huygens a donc été majeur, aussi bien sur l’horlogerie que sur d’autres disciplines scientifiques. Le monde de l’astronomie, en particulier, eut à cœur de lui rendre hommage en attribuant son nom à plusieurs reprises – à un astéroïde, à une partie de la nébuleuse d’Orion, au module emmené par la sonde Cassini pour atterrir sur Titan. Mais sans son existence, les horloges et les montres ne seraient pas ce qu’elles sont aujourd’hui.

Pour connaître la liste de ses publications, vous pouvez consulter sa fiche de la Bibliothèque nationale de France.