Constructeur habile, inventeur audacieux et tenace, Ferdinand Berthoud a été l’un des piliers des progrès de l’horlogerie au XVIIIe siècle. Au-delà de sa carrière, qui se signale par une accumulation de titres, de témoignages de reconnaissance et de privilèges à la cour du roi de France, un succès gagné notamment pour ses chronomètres de marine, l’horloger Berthoud a surtout été un homme avide de connaissance, et soucieux avant tout de partager celles-ci avec le plus grand nombre.

Ferdinand Berthoud, maître-horloger et professeur

Ferdinand Berthoud était de ces hommes qui ambitionnent tout autant de développer leur savoir que de le transmettre au plus grand nombre ; c’est pourquoi les publications et l’enseignement firent partie de son œuvre, au même titre que ses inventions horlogères. L’homme, qui rédigea plusieurs des articles consacrés à l’horlogerie dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, et qui publia en 1759 un premier ouvrage de vulgarisation, L’Art de conduire et de régler les pendules et les montres à l’usage de ceux qui n’ont aucune connaissance d’horlogerie, n’avait rien d’un scientifique élitiste recroquevillé sur son art. Berthoud fut un grand innovateur et une personnalité généreuse, qui plutôt que de conserver son savoir pour lui-même et ses pairs, souhaitait avant tout le partager.

Berthoud est né en Suisse, dans le pays de l’horlogerie, le 18 mars 1727, à Plancemont-sur-Couvet, au sein d’une famille de notable qui officie elle-même dans le domaine des garde-temps. Lorsqu’il a 14 ans, son frère Jean-Henry le prend comme apprenti pendulier, à Couvet ; il bénéficie également d’une solide éducation scientifique.

Nous sommes en plein siècle des Lumières, et c’est à Paris, centre du rayonnement intellectuel et scientifique du temps, que les choses se passent, sous le règne de Louis XV. À 18 ans, en 1745, Ferdinand Berthoud s’y installe afin de se perfectionner dans la profession d’horloger-pendulier, auprès des maîtres-horlogers de la communauté parisienne. Le cadre est idéal, et Berthoud pourra à loisir faire fructifier ses dons en science, en ingénierie et en mécanique – dons qui le conduiront doucement à devenir l’un des plus grands horlogers de l’Histoire.

Berthoud n’a que 26 quand il reçoit le titre de Maître-Horloger, par faveur spéciale du roi de France. Un an plus tôt, en 1752, il a impressionné le jury de l’Académie royale des sciences en soumettant à son jugement un projet de fabrication de pendule à équation, preuve éclatante de ses talents exceptionnels en matière d’horlogerie. C’est le compte-rendu élogieux des académiciens qui pousse le roi à lui décerner sa maîtrise, alors qu’il est encore trop jeune pour prétendre à cet honneur. Berthoud est alors en mesure d’ouvrir son propre atelier à Paris, et sa réputation ne fait que grandir. Ce succès que rien n’arrête culmine avec la rédaction d’articles pour l’Encyclopédie, éditée entre 1751 et 1772 sous la direction de Diderot et d’Alembert, ainsi que la publication de son premier ouvrage de vulgarisation en 1759.

Les chronomètres de marine

À cette époque, la question de la mesure des longitudes occupe le monde scientifique. En France comme en Angleterre, les gouvernements promettent des récompenses telles – et un prestige si élevé – que les horlogers les plus talentueux s’intéressent à ce problème, notamment John Harrison à Londres. En 1763, Berthoud sera d’ailleurs mandaté par le roi pour se rendre en Angleterre et examiner l’horloge marine de Harrison – mission à laquelle celui-ci s’opposera catégoriquement. L’horloger français n’aura pas perdu son temps, puisqu’il est élu « membre associé étranger » à la Royal Society de Londres, le 16 février 1764.

Mais avant cela, il y a 1760, lorsque Berthoud dépose un « Mémoire sur les principes de construction d’une Horloge de Marine » à l’Académie Royale des sciences de Paris. En 1761, il achève et présente l’Horloge Marine n°1. En 1766, il propose la construction des horloges marines n°6 et 8. Achevées, celles-ci sont confiées par le duc de Praslin au chevalier de Fleurieu, explorateur et hydrographe, qui doit les tester au cours d’un voyage à bord de sa corvette, L’Isis, jusqu’à Saint Domingue. Cet essai grandeur nature est un succès, et notamment pour la n°8, qui calcule la longitude à demi-degré près. Ces deux horloges, comme de nombreux autres travaux signés Berthoud, sont actuellement conservées au Musée des arts et métiers.

Berthoud poursuit ses recherches, en particulier dans la direction de l’amélioration de la précision de ses horloges marines. À force de travailler sur la compensation des effets dus aux variations de température, il découvre en 1768 la compensation moyenne ; en parallèle, il met au point différents échappements. En tout état de cause, il se consacre au domaine de l’horlogerie marine, faisant venir de Suisse son neveu Pierre-Louis, lui-même talentueux jeune horloger-pendulier, pour le seconder dans la réalisation et l’entretien des mécanismes destinés aux Marines française et espagnole.

Ses succès (indirects) en mer conduisent Berthoud à être nommé, en 1770, Horloger-Mécanicien du Roi et de la Marine. Il est également chargé de fournir l’Amirauté française en montres à longitudes, outils indispensables aux campagnes de cartographie et d’hydrographie qui vont marquer la fin du XVIIIe siècle. En tout, Ferdinand Berthoud a conçu, réalisé et livré à l’Amirauté une dizaine d’horloges à poids ou à ressort. Fidèle à son ambition, il se consacre aussi bien à la transmission de son savoir, à travers deux nouveaux ouvrages, en 1773 et 1775 : le Traité des horloges marines, qui expose dans le détail la fabrication d’un tel objet, puis Les longitudes par la mesure du temps.

L’année de la publication de son ultime ouvrage, 1807, Ferdinand Berthoud décède. Il est mis sous terre à Groslay, dans le Val d’Oise, où un monument célèbre sa mémoire. Il laisse derrière lui une œuvre extraordinaire, d’une ampleur sans égale, constituée de pendules, de montres, de chronomètres de marine, mais également d’instruments de mesure scientifique et d’ouvrages spécialisés ou de vulgarisation.

Les reconnaissances de Berthoud

C’est en fin de carrière que se concentrent les honneurs. Après ses reconnaissances auprès du roi de France et de la Royal Society anglaise, Ferdinand Berthoud :

  • Est élu membre résident de la première classe à la section des arts mécaniques de l’Institut national (1795) ;
  • Remporte le prix de l’Institut des Sciences et des Arts pour ses chronomètres n°27 et n°32, à division décimale du temps ;
  • Reçoit le titre d’Horloger-Mécanicien de la Marine (1802) ;
  • Reçoit le titre d’Horloger de l’Observatoire et du Bureau des longitudes de Paris (1805) ;
  • Reçoit de Napoléon le titre de Chevalier de la Légion d’honneur en tant que membre de l’Institut (1804).

L’œuvre de Ferdinand Berthoud occupe une place très particulière dans l’histoire de l’horlogerie, principalement via les chronomètres de marine dont il a fait sa spécialité. Mais au-delà son exceptionnelle carrière, marquée par tant de reconnaissances avant et après la Révolution française, Berthoud est parvenu à immortaliser le contenu de ses recherches au travers d’un vaste travail d’écriture et de publication, invitant par là-même ses successeurs à reproduire ses constructions et à s’en inspirer à leur tour.

Bibliographie :

  • L’Art de conduire et de régler les pendules et les montres à l’usage de ceux qui n’ont aucune connaissance d’horlogerie (1759)
  • Essai sur l’horlogerie (1763)
  • Traité des horloges marines (1773 – disponible dans son entièreté sur cette page)
  • Les longitudes par la mesure du temps (1775)
  • La mesure du temps ou supplément au Traité des horloges marines et à l’Essai sur l’horlogerie (1787)
  • Traité des montres à longitudes (1792)
  • État des horloges et des montres à longitudes construites et exécutées par Ferdinand Berthoud (1793)
  • Suite du Traité des montres à longitudes (1796)
  • Histoire de la mesure du temps par les horloges (1802)
  • Supplément au Traité des montres à longitudes (1807)

Nous avons volontairement coupé certains titres très longs. Tous les détails de la bibliographie de Ferdinand Berthoud sont à trouver sur son site officiel.