Née à la faveur des transferts de technologie mis en place par les industriels suisses dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’horlogerie japonaise s’est doucement affranchie de la tutelle helvétique pour produire ses propres garde-temps. Elle est aujourd’hui partagée entre les deux géants de l’industrie horlogère que sont Seiko et Citizen d’un côté, et tout un archipel d’ateliers indépendants de l’autre, moins connus mais capables d’attirer l’attention des amateurs de montres sur toute la planète.

Histoire de l’horlogerie japonaise

Dès la fin du XIXe siècle, la Suisse, par le biais de l’Union horlogère, organise un transfert de ses compétences en matière d’horloges et de montres jusqu’au Japon, où un marché est en train de se développer. Et pour cause : après des siècles d’isolationnisme, l’archipel s’ouvre au commerce international. Le premier comptoir voit le jour à Yokohama en 1863. Jusqu’au milieu du XXe siècle, des horlogers japonais s’installent dans les ateliers suisses où ils sont formés selon les standards de qualité helvétique, avant de rentrer au pays pour assurer le service après-vente des grandes marques occidentales qui, sur place, connaissent un important succès, bien que leurs productions servent surtout de bijoux d’apparat. L’horlogerie japonaise a donc débuté comme partenaire commercial d’une Suisse désireuse de s’arroger un marché d’autant plus vaste qu’à partir de 1873, le Japon adopte le partage des journées en 24 heures et que la demande en montres grandit rapidement.

Mais les Japonais ne sont pas dupes, ils savent que ce transfert technologique a pour but premier la domination unilatérale de l’horlogerie suisse. C’est pourquoi les horlogers locaux, devenus eux-mêmes experts, commencent à développer l’industrie horlogère nationale. Un premier essai d’envergure est lancé en 1891 avec la fondation de la manufacture Nippon Watch Manufacturing Co., dont la production s’arrête… quatre ans plus tard ! Ce qui n’empêche pas les indépendants de proposer leurs propres modèles produits en petites quantités, comme ceux de Hattori Kintaro, qui fonde en 1892 la Seikosha Clock Factory, future Seiko.

Le partenaire japonais se transforme progressivement en concurrent solide, développant des manufactures de premier ordre à l’ombre de la Suisse. La production locale supplante les importations, boostée par des innovations marquantes telles que la première montre-bracelet de Seiko en 1913. Les ravages de la Seconde Guerre mondiale vont mettre un coup d’arrêt à cette évolution industrielle. Mais l’horlogerie japonaise n’est pas morte, elle s’est simplement endormie ; et son réveil, en 1947, est symbolisé par la création de l’Association horlogère japonaise, qui conduit le pays à lancer un vaste programme d’exportation mondiale de ses montres et horloges.

Le potentiel est là, mais il explose réellement au cours des années 70 à la faveur de la révolution du quartz… et soulève un tsunami qui va manquer de peu noyer totalement l’industrie concurrente. En produisant des montres électroniques basées sur la technologie du quartz, bien moins chères à fabriquer que les garde-temps mécaniques, le Japon impose sa domination sur toute la planète et donne à son industrie horlogère une place de premier plan. Un succès extraordinaire pour une horlogerie qui n’existait pas moins d’un siècle plus tôt. Et qui a littéralement renversé la vapeur : désormais, c’est l’industrie horlogère suisse qui prend exemple sur sa consœur japonaise en matière de garde-temps électronique.

Il faut toutefois préciser que, bien avant le déferlement des montres à quartz, l’industrie horlogère japonaise avait conquis des parts de marché aux dépens des Suisses, durant cette période entre la fin du second conflit mondial et les années 70. Notamment grâce à des montres mécaniques, d’abord à remontage manuel puis automatique quelques temps plus tard, d’une qualité égale voire supérieure à la production suisse (par exemple en terme d’étanchéité), et à des prix avec lesquels les ateliers helvètes ne pouvaient pas prétendre rivaliser.

C’est d’ailleurs vers un retour au mécanique que se dirige l’horlogerie japonaise après son coup d’éclat électronique, à l’instar de la grande majorité des fabricants suisses. Le marché actuel se divise entre grand public, qui penche du côté des montres à quartz, et une communauté de collectionneurs et d’esthètes, qui favorise la montre mécanique haut de gamme. L’exemple emblématique en a été – et reste – la Grand Seiko, vaisseau amiral de la célèbre marque depuis 1960. Un virage vers l’horlogerie de luxe qui fait écho, de nouveau, à l’exemple suisse, comme si l’histoire des relations entre la Suisse et le Japon avait quelque chose d’un mouvement perpétuel.

Les horlogers japonais

Les horlogers japonais restent peu connus du grand public. Les noms qui ressortent sont le plus souvent ceux des fondateurs des marques dominantes. Citons :

  • Hattori Kintaro
  • Kono Shohei
  • Yosaburo Nakajima
  • Hajime Asaoka
  • Masahiro Kikuno

Les grandes marques japonaises

Les deux géants de l’horlogerie japonaise sont nés de l’important transfert de compétences qui a débuté à partir de la fin du XIXe siècle entre la Suisse et le Pays du Soleil Levant. À l’époque, les horlogers locaux sont avant tout importateurs des marques suisses, qu’ils contribuent à installer sur le territoire : Omega, Tissot, Zenith. Puis, progressivement, les horlogers développent leurs propres garde-temps, à l’image de Hattori Kintaro, futur poids lourd de l’horlogerie japonaise avec la marque Seiko. Il en est de même pour son principal concurrent, l’autre figure dominante du secteur : Citizen Watch Co., fondée en 1918.

La force des marques nippones réside dans leur ambition en matière de recherche & développement. Parmi les créations dues à Seiko, citons : la montre à quartz en 1969 (l’Astron), l’écran LCD pour montre en 1973, la première montre utilisant un micro-alternateur en 1988, le mouvement Spring Drive en 1999, la première montre embarquant un GPS en 2012. Moins innovant, le rival Citizen peut tout de même justifier de l’invention de l’Éco-Drive, un système intégré à ses garde-temps qui transforme la lumière en énergie et la stocke dans une pile lithium-ion, permettant à celle-ci de se recharger seule.

En 1971, un troisième acteur majeur est venu se greffer au duo : c’est l’année où le fabricant de calculatrices Casio a lancé ses premiers modèles de montres électroniques, qui ont rencontré un grand succès. Aujourd’hui, Casio, comme ses concurrents, organise sa montée en gamme vers des garde-temps plus luxueux, tout en restant dans le domaine de l’électronique.

L’autre segment de l’horlogerie japonaise est occupé par des créateurs indépendants qui se font de plus en plus remarquer des Suisses, comme Hajime Asaoka (ancien élève de Philippe Dufour) ou Masahiro Kikuno (membre de l’Académie horlogère des créateurs indépendants).