Dans la longue histoire des outils de mesure du temps, la clepsydre fait figure d’étape fondamentale : pour la première fois, un système permettait de calculer une durée indépendamment des événements extérieurs, contrairement au cadran solaire et au gnomon. Au fil du temps, depuis les Égyptiens jusqu’aux savants les plus prestigieux d’Arabie et de Chine, l’horloge à eau s’est perfectionnée pour devenir un instrument de plus en plus précis et majestueux.

Entre le cadran solaire et le sablier : l’horloge à eau

Bien que des tablettes babyloniennes plus anciennes fassent déjà mention de l’horloge à eau, sa première manifestation archéologique date des environs du XVe siècle avant J.-C. : un exemplaire unique en a été découvert à Karnak, dans le temple d’Amon, au début du XXe siècle. Il s’agit là de la première référence connue de système de mesure du temps de cette sorte, basé sur le débit constant d’un liquide dans un vase conique orné de graduations, avec un orifice pour l’écoulement de l’eau. Cette horloge à eau est encore exposée au musée du Caire.

Mais ce sont les Grecs, un millénaire plus tard, qui ont donné à la clepsydre ses lettres de noblesse – et jusqu’à son nom, provenant du grec « klepsydra », transformé ensuite en « clepsydra » dans le monde latin. Un mot formé de « kleptein » (« dérober ») et de « hudor » (« eau »), signifiant littéralement « voleur d’eau ». Néanmoins, l’utilisation de l’horloge à eau est attestée également chez les Gaulois, les Chinois et, de l’autre côté de l’Atlantique, chez les Amérindiens.

L’intérêt de la clepsydre réside dans sa capacité à évaluer les durées indépendamment des éléments extérieurs comme l’astre diurne, nécessaire au fonctionnement des cadrans solaires et des gnomons. Pouvant fonctionner en toutes circonstances, y compris la nuit et en intérieur, l’horloge à eau permet de mesurer des durées brèves (entre 5 et 10 minutes pour les modèles primitifs) avec une précision satisfaisante. En Grèce, elle est utilisée pour limiter le temps de parole lors des discours politiques et des plaidoiries judiciaires. Dans l’Empire romain, elle sert à calculer les tours de garde nocturnes des soldats.

Au cours du Moyen-âge, les savants arabes et chinois s’inspirent des études des Grecs pour perfectionner encore le mécanisme de l’horloge à eau. Certaines de leurs clepsydres sont restées célèbres, notamment celle offerte à Charlemagne par le calife de Bagdad, Haroun al-Rachid, en 807, ornée d’automates qui s’animaient à mesure que l’eau montait dans le vase. Ou la grande horloge à eau, d’une dizaine de mètres de hauteur, conçue par Su Sung pour l’Empereur de Chine, au XIe siècle – la tour horloge y était surmontée d’une sphère affichant la position des étoiles, ce qui, avec les cadrans indiquant l’heure, le jour et le mois, en faisait l’horloge à eau la plus complexe jamais inventée.

Principe de fonctionnement d’une clepsydre

Dans sa forme la plus primitive, la clepsydre, sur le même principe qu’un sablier, n’est constituée que d’un bol unique percé d’un trou à son point le plus bas, par lequel l’eau s’évacue. La durée écoulée se mesure à l’aune de graduations gravées à l’intérieur du récipient.

Plus tard, elle se perfectionne avec deux vases superposés, en léger décalage, celui du dessus étant percé d’un trou qui laisse couler l’eau dans celui du dessous. À l’intérieur de celui-ci, des graduations à peu près équidistantes permettent de mesurer des intervalles de temps.

Ces modèles d’horloge à eau utilisent des vases de forme conique. Pourquoi pas cylindrique ? Parce qu’on constate qu’à débit constant, la forme conique est la seule qui permet de compenser la perte de vitesse d’éjection de l’eau due à l’effet conjugué de la baisse du niveau du liquide et de la réduction afférente de pression. Le cône offre une mesure de la durée à peu près égale du fond du vase jusqu’à son bord.

La clepsydre de Ctésibios : un pas vers la modernité

L’inventeur grec Ctésibios fait évoluer le modèle traditionnel de clepsydre à deux vases vers un instrument plus complexe, dans lequel l’écoulement de l’eau devient une source d’énergie qui permet la mise en mouvement de rouages et d’indicateurs du temps. Cette horloge à eau modernisée, que l’on peut dès lors qualifier de véritable horloge hydraulique (elle fonctionne en vase clos et mesure cette fois réellement le temps, pas seulement la durée) est reprise par les Romains. En voici le fonctionnement :

Cette clepsydre comprend deux vases, l’un en hauteur, l’autre en contrebas contenant un flotteur, une tige crantée plongée dans le vase inférieur, et un rouage qui permet de faire tourner une aiguille autour d’un cadran. De l’eau est versée en continu dans le vase supérieur, tandis que le surplus est évacué par un tuyau de secours. De l’eau s’écoule vers le vase inférieur, avec un débit constant dû au fait que le vase supérieur est toujours plein. En remplissant le vase inférieur, l’eau fait remonter le flotteur, qui à son tour pousse la tige crantée vers le haut. Celle-ci fait tourner le mécanisme de la roue dentée, qui indique l’heure sur le cadran par le biais d’une aiguille.

De fait, c’est ce modèle d’horloge à eau qui a définitivement fait passer cet instrument du côté des garde-temps modernes. Le système sera perfectionné par les Arabes et les Chinois, sans subir de révolution majeure durant les siècles suivants.

Si la réalisation d’une clepsydre est une expérience qui vous intéresse, jetez un œil sur cette page !