Marquée par l’architecture et l’horlogerie, l’histoire de La Chaux-de-Fonds se confond avec l’ambition créatrice humaine la plus pointue. La commune qui a vu naître Le Corbusier fut également le théâtre du développement de l’industrie des montres, jusqu’à voir son urbanisme se transformer pour mieux intégrer la fabrication des garde-temps dans son paysage économique. Ce qui poussera Karl Marx à définir La Chaux-de-Fonds comme un exemple unique de « ville-manufacture » créer pour et par l’horlogerie suisse.

Une histoire liée à l’horlogerie

Que se serait-il passé si La Chaux-de-Fonds, petite ville encaissée dans les montagnes du Jura suisse, n’avait pas investi le domaine si prestigieux de la fabrication des garde-temps ? Sans doute serait-elle restée le village agricole qu’elle était depuis sa fondation en 1656 et jusqu’à l’orée du XVIIIe siècle, avant que le goût de la précision ne l’emporte. Mais voilà : l’art de la pendule s’est installé au cours du siècle des Lumières, et dès le mitan du XVIIIe siècle, 68 penduliers et 8 ébénistes s’occupent à ce fier passe-temps. Ce changement, il faut le signaler, on le doit à une personnalité exceptionnelle, qui a marqué autant Le Locle que La Chaux-de-Fonds : Daniel JeanRichard, horloger mythique autodidacte qui fut à l’origine du système de l’établissage et, par conséquent, de l’expansion de l’industrie horlogère dans le canton de Neuchâtel.

L’important accroissement démographique et économique que connaît La Chaux-de-Fonds au XIXe siècle est lié intimement à celui de l’industrie horlogère, et notamment aux montres, qui feront la fortune de la ville. En 1870, presque 50 % de la population locale travaille directement ou indirectement dans le secteur horloger – soit près de 4 500 individus. Quelques décennies plus tôt, en 1820, la ville fut choisie pour accueillir le siège du Bureau de contrôle cantonal des métaux précieux – métaux si indispensables à l’habillage des garde-temps. C’est pour ces raisons que, durant 100 ans, La Chaux-de-Fonds fut le pivot mondial de l’horlogerie.

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La Chaux-de-Fonds, une ville horlogère jusqu’au bout des rues

Qu’est-ce qui distingue La Chaux-de-Fonds, comme sa voisine Le Locle, de la plupart des villes alentour ? Certainement pas le climat (froid et rude) ou la sérénité des lieux. Non, ce qui différencie ces deux communes, c’est ce qu’on appelle leur « urbanisme horloger », le fait que leur histoire se confonde tant et si bien avec celle de l’industrie horlogère, que leurs artères et leurs immeubles ont été pensés en regard de la fabrication locale.

À l’instar de ce qu’il se passera au Locle près d’un demi-siècle plus tard, La Chaux-de-Fonds est victime, en 1794, d’un vaste incendie qui laisse la commune exsangue. La municipalité décide alors de reconstruire en adoptant un consensus étonnant entre soucis hygiénistes et efficacité de production. Voilà donc un exemple – très singulier – de cité pensée, dessinée et construite en regard d’une mono-économie, celle des horloges et des montres.

Au fil du XIXe siècle, La Chaux-de-Fonds développe un urbanisme dont le but est de favoriser la prospérité économique due à l’horlogerie : les ateliers y côtoient les logements des ouvriers au sein des mêmes bâtiments, les édifices se spécialisent pour devenir des fabriques, dans une symbiose totale et exceptionnelle entre deux besoins – social et industriel. Il ne manquerait plus que la ville, vue du ciel, dessine un cadran de montre avec ses aiguilles, pour que la corrélation soit parfaite. Ce qui faisait dire à Karl Marx, dans Le Capital, que La Chaux-de-Fonds pouvait être considérée tout entière comme une unique manufacture horlogère, ou « ville-manufacture ».

La Chaux-de-Fonds et Le Locle ont d’ailleurs été distinguées par l’Unesco, qui a inscrit, en 2009, leur urbanisme horloger au patrimoine mondial de l’humanité. En outre, depuis 2010, une Biennale du patrimoine horloger prend ses quartiers à cheval entre ces deux communes, dans le but de familiariser le public avec ce patrimoine sans équivalent.

Le présent horloger de La Chaux-de-Fonds

Aujourd’hui, La ville de La Chaux-de-Fonds continue de faire prospérer son héritage horloger. De nombreuses manufactures s’y déploient : Breitling, Cartier, Corum, Girard-Perregaux, Jaquet Droz, JeanRichard, TAG Heuer… dont il est possible de visiter les ateliers afin d’y découvrir les secrets de fabrication des montres, en observant les horlogers dans leur travail quotidien. – à condition de prendre rendez-vous ! Dans le même temps, la Haute École Arc Ingénierie forme (entre autres) les étudiants à l’art de la restauration et de la conservation, si précieux dans l’entourage des montres.

Quant au Musée international d’horlogerie, il propose, aux néophytes comme aux spécialistes, quelques 2 700 montres, 700 horloges et 4 500 objets divers (chronomètres, cadrans solaires et autres installations non mécaniques) à travers une exposition permanente qui retrace l’évolution historique de la technique et de l’art de fabriquer les garde-temps.