Portée par des horlogers illustres autant que par des marques prestigieuses, l’horlogerie suisse a bénéficié très tôt d’un savoir-faire hors du commun en matière de conception et de fabrication de garde-temps. Elle continue aujourd’hui de dominer le secteur de l’industrie des montres, malgré quelques crises majeures dont certaines ont bien failli mettre fin à cette hégémonie de longue date.

Naissance de l’horlogerie suisse

L’horlogerie suisse naît du côté de la frontière française, dans la partie romande du pays, autour de Genève, de Neuchâtel, du Locle, La Chaux de Fond, de la Vallée de Joux ou du Fleurier. C’est là que prennent vie des maisons illustres, manufactures horlogères qui deviendront parmi les plus célèbres au monde (Audemars Piguet, Jaeger-LeCoultre, Breguet, Vacheron Constantin…).

Poussés vers la fabrication des montres par la doctrine calviniste, qui interdit de porter des bijoux (au prétexte qu’il s’agirait d’accessoires superflus), les orfèvres et les joailliers contribuent à établir l’industrie horlogère suisse. Une industrie qui tire vers le luxe, avec ses monstres incrustées de pierres précieuses autrefois destinées aux bijoux.

Après la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV, de nombreux horlogers installés en France, protestants de leur état (les huguenots), fuient le pays pour rejoindre les nations limitrophes. C’est ainsi qu’ils arrivent en masse notamment en Suisse, où ils vont contribuer au développement de l’industrie horlogère nationale, aux dépens de leur territoire d’origine. Ce n’est pas un phénomène nouveau – un siècle plus tôt, Thomas Bayard avait déjà prétexté du massacre de la Saint-Barthélémy pour se réfugier à Genève – mais c’est l’ampleur de l’exode qui étonne, avec une véritable fuite des talents horlogers vivant en France. À Genève, comme dans tout l’arc jurassien, les artisans s’installent dans un environnement paisible où ils bénéficient d’une main-d’œuvre aussi patiente que minutieuse – des atouts précieux pour la fabrication de mécanismes si précis. L’horlogerie suisse est née.

De l’artisanat à l’industrialisation

Réputée pour son artisanat, l’horlogerie suisse fait appel à de nombreux talents exerçant au cœur de minuscules ateliers très spécialisés : il faut parfois une centaine de paires de mains pour fabriquer une horloge ou une montre, chacune déployant un savoir-faire spécifique. La formation est profondément artisanale : le maître-horloger a pour coutume de recevoir son certificat après avoir présenté une pièce soignée, fabriquée par ses soins. Puis, progressivement, se développe un mode de production préindustriel appelé « établissage », notamment dans le Jura, qui favorise la spécialisation des artisans dans des domaines qui leur sont propres, tandis que l’entrepreneur gère la production d’en haut. À la fin du XVIIIe siècle, l’horlogerie suisse tutoie les sommets : 20 000 employés travaillent dans cette industrie à Genève, et quelques 85 000 montres sont produites chaque année.

Mais à partir du milieu du XIXe siècle, le secteur, poussé par la révolution industrielle, est contraint de s’adapter au plus vite. L’établissage, pourtant bien installé, est bousculé par l’industrialisation à l’américaine, qui a pour caractéristique de diviser les tâches avec une grande efficacité.

C’est le premier coup de semonce qui touche l’horlogerie suisse, et il a pour origine l’Amérique du Nord. Sous l’égide d’un industriel visionnaire, Aaron Lufkin Dennison, les entreprises américaines (au premier rang desquelles la Waltham Watch Company) développent des mécanismes aux pièces interchangeables, plus rapides à produire. La première machine automatique à fabriquer des vis et la chaîne d’assemblage de Waltham, présentées lors de l’Exposition universelle de Philadelphie en 1876, font sensation. Et lancent le coup d’envoi de l’industrialisation du secteur, qui touche de plein fouet l’artisanat traditionnel suisse, forcé de se mettre à la page et – suite à un rapport accablant de Jacques David, envoyé par Longines à ladite Exposition, titré « MM. les horlogers suisses, réveillez-vous ! » – d’adapter ses méthodes de production. Avec beaucoup de succès, néanmoins.

Les crises du XXe siècle

L’industrialisation forcée n’était qu’un avertissement : au XXe siècle, l’horlogerie suisse est chahutée par plusieurs crises majeures. Terre d’innovation et de prestige horloger, mais dominée par de petites structures éparpillées, la Suisse subit de plein fouet les conséquences de la Grande Dépression qui touche les États-Unis. La Confédération helvétique est sommée de réagir : elle pousse les banques à créer une holding afin de réunir les fabricants de composants d’horlogerie.

Ce premier ébranlement sérieux ne laisse en rien augurer de ce que sera le séisme des années 70. La montre électronique, à quartz, déferle sur l’Europe, en provenance du Japon. Les composants électroniques et la main-d’œuvre à bas coût permettent de vendre ces garde-temps à des prix défiant toute concurrence – et précisément, la Suisse ne peut plus contenir le choc, d’autant plus que ces montres, en sus d’être bien moins chères, sont également plus précises. Progressivement, l’industrie horlogère suisse voit ses exportations se réduire drastiquement, des ateliers disparaître, et le nombre d’employés fondre comme neige au soleil. Mais la concurrence japonaise n’est pas seule en cause. Entre autres, le statut horloger (ensemble de mesures juridiques prises pour sauver l’industrie), instauré en 1931, a contribué à enfermer l’horlogerie suisse sur elle-même, expliquant son impréparation face à l’arrivée de rivaux sur le marché.

En 1981, l’horlogerie suisse est dans l’impasse. La part de marché des montres nationales est passée de 83 % en 1970 à 22 % en 1981 (elle descendra jusqu’à 15 % en 1983). Que serait-elle advenue sans le concours de Nicolas Hayek ? L’homme d’affaires d’origine libanaise conduit un audit du secteur dont il tire toutes les leçons. En 1983, sous son impulsion, une nouvelle holding voit le jour, regroupant les deux principaux groupes horlogers suisses : la Société de microélectronique et d’horlogerie (SMH), futur Swatch Group. Dans la foulée, Hayek transforme le mode de production locale en lançant la Swatch : une montre estampillée « qualité suisse », mais distribuée à un prix compétitif. Ce petit garde-temps en plastique est ce qui permet à l’horlogerie nationale de reprendre du poil de la bête.

Haute technologie, marketing de marque sélectif : la transformation de l’horlogerie suisse sauve l’industrie du naufrage. Depuis, le secteur s’est renouvelé sur deux segments : le type Swatch, des montres vendues à des prix très accessibles ; et le très haut de gamme, via des marques privilégiant la fabrication de garde-temps mécaniques permettant des complications (synonyme, dans l’horlogerie, de grand prestige). Aujourd’hui, la quantité des montres produites en Suisse est extrêmement réduite, mais la valeur de ces montres est sans équivalent.

Les horlogers et inventeurs suisses

Les grands noms de l’horlogerie suisse, artisans et inventeurs, ont offert au secteur la mainmise sur l’industrie horlogère mondiale à toutes époques, depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours. En voici quelques-uns parmi les plus réputés (par ordre alphabétique) :

  • Louis-Benjamin Audemars
  • René Bannwart
  • Felix Baumgartner
  • Daniel Bernoulli
  • Ferdinand Berthoud
  • Abraham-Louis Breguet
  • Léon Breitling
  • Roger Dubuis
  • Frédéric-Louis Favre-Bulle
  • Pierre Jaquet-Droz
  • Louis JeanRichard
  • Antoine Le Coultre
  • Georges-Auguste Leschot
  • Abraham-Louis Perrelet
  • Georges-Édouard Piaget
  • Jean-Marc Vacheron

Les grandes marques suisses

Comment nommer toutes les grandes marques suisses, si nombreuses et si prestigieuses ? En voici du moins une sélection non exhaustive :

  • Audemars Piguet
  • Blancpain
  • Breguet
  • Breitling
  • Chopard
  • Hamilton
  • Jaeger-LeCoultre
  • Jaquet Droz
  • Jeanrichard
  • Omega
  • Patek Philippe
  • Piaget
  • Rolex
  • TAG Heuer
  • Tissot
  • Vacheron Constantin
  • Zenith