La localité de Fleurier est l’une des pièces maîtresses d’un territoire qui se dédie depuis bientôt trois siècles au domaine de l’horlogerie suisse. Poussé par une tradition ancestrale et un savoir-faire exceptionnel, le Val-de-Travers, dans le canton suisse de Neuchâtel, a longtemps produit des montres et des horloges qui se sont exportées aux quatre coins de la planète. Aujourd’hui, l’ancienne commune de Fleurier accueille la Fondation Qualité Fleurier, et délivre un label synonyme d’excellence dans l’univers des montres mécaniques.

Le cœur horloger de Fleurier

Comment la localité de Fleurier, aujourd’hui partie intégrante de la commune de Val-de-Travers, dans le canton de Neuchâtel, est-elle devenue l’un des cœurs battants de l’histoire horlogère suisse ?

Jusqu’au XVIIIe siècle, l’économie de ce hameau rural est basée sur l’agriculture. Mais en 1730, un jeune homme introduit le virus de l’horlogerie dans l’organisme fleurisan : à 18 ans, David-Jean-Jacques-Henri Vaucher termine sa formation horlogère et rentre chez lui, apportant dans ses bagages tout le savoir-faire qui va changer en profondeur l’avenir de sa région. Où a-t-il suivi cette formation ? Qui lui a enseigné les arts subtils de la mécanique horlogère ? Nul ne le sait. Certains évoquent un apprentissage auprès du grand Daniel JeanRichard. D’autres, plus prosaïquement, font référence à un séjour à Genève.

Quoi qu’il en soit, Vaucher fait rapidement la démonstration de ses talents : il est capable de concevoir et de fabriquer une montre dans son entièreté, avec toutes ses pièces. Il advient alors à Fleurier ce qu’il s’est déjà passé au Locle autour de JeanRichard : par l’expression sublime de sa passion, Vaucher attire l’attention des villageois auxquels il transmet ses techniques, de sorte qu’en 1750, une quinzaine d’horlogers parcourent déjà les rues du hameau. Ils seront plus de cent en 1794, parmi lesquels trois rejetons du grand homme qui fondent la maison Vaucher frères. Dans le même temps, ce développement lié à l’horlogerie s’accompagne d’une explosion démographique, faisant doubler la population de Fleurier pour atteindre 800 âmes au crépuscule du XVIIIe siècle.

Néanmoins, l’horlogerie n’est encore rien d’autre pour les habitants de Fleurier qu’une activité d’appoint. Pendant les périodes agricoles creuses, les paysans se transforment en artisans pour produire des pièces mécaniques à domicile, et fournir aux négociants de passage de quoi assembler eux-mêmes pendules et horloges. La production locale est hétérogène : pièces d’horlogerie, textiles, absinthe, tabac, vélos. Cette diversification économique va permettre à Fleurier d’échapper aux crises violentes qui touchent les localités environnantes, dépendantes d’une activité unique.

La production horlogère de Fleurier poursuit cependant son développement, surtout grâce à l’exportation de ses horloges et de ses montres vers le marché chinois, à partir de 1820, sous l’impulsion d’Edouard Bovet. Et parce qu’un bon horloger a besoin d’outils à sa mesure, la région voit naître des entreprises de fabrication d’outillage spécialisé. Tant et si bien que le Val-de-Travers comptera jusqu’à 20 usines de cette sorte, dispersées entre Fleurier et Couvet.

Puis vient le temps de l’industrialisation, à la fin du XIXe siècle – un séisme dont l’épicentre est situé aux États-Unis. Fleurier réagit vite : grâce à la présence d’esprit de Jules-Samuel Jequier, les usines mécanisées prennent rapidement leur place dans la commune, en remplacement des établissages traditionnels. Dans la foulée, Fleurier connaît un important essor démographique qui l’oblige à édifier en toute hâte des logements destinés à la main-d’œuvre horlogère, ainsi que des infrastructures adéquates – ce sera également le cas, à une échelle plus vaste, dans les villes proches du Locle et de La Chaux-de-Fonds. Bientôt, une partie de l’urbanisme de Fleurier répond aux nécessités de la production horlogère : quartier en damier, architecture aussi rationnelle que sobre, et bâtiments conçus pour faire face au défi démographique.

La place actuelle de l’horlogerie à Fleurier

La crise du quartz, dans les années 70, manque balayer l’ensemble de l’industrie horlogère suisse – et la production fleurisanne n’échappe pas au tsunami des montres électroniques. Le nombre d’horlogers chute, passant de 742 à 160 en seulement 20 ans ; le hameau perd un quart de sa population. Seule la maison Piaget parvient à survivre aux intempéries, depuis la petite commune de la Côte-aux-Fées où elle est paisiblement installée.

Une fois le calme revenu, l’ensemble du corps industriel horloger local décide de se tourner vers le très haut de gamme – un marché certes restreint, mais très porteur, comme le prouvera l’avenir de l’horlogerie mondiale. C’est d’ailleurs cette ambition de renouveau qui signe la naissance de la maison Parmigiani Fleurier, dont les premières créations ont été lancées en 1996, date qui marque le retour aux affaires de la production horlogère fleurisanne. Depuis lors, la localité de Fleurier continue de rayonner sur la scène internationale avec ses productions haut de gamme, dont la présence du label Qualité Fleurier prouve plus que jamais l’excellence.

Aujourd’hui, ce sont 1 500 employés qui exercent dans le domaine horloger à Val-de-Travers, dont 700 installés à Fleurier. De grandes marques horlogères y ont leur siège ou des centres de production :

  • Bovet Fleurier
  • Chopard
  • Parmigiani Fleurier
  • Valfleurier (appartenant au groupe Richemont)
  • Vaucher Manufacture Fleurier
  • Voutilainen
  • Waeber HMS (fabricant d’aiguilles)

Enfin, pour les connaisseurs comme pour les amateurs, le Musée Régional, qui a rouvert ses portes en novembre 2016 après 3 ans de travaux, présente de nombreuses pièces maîtresses du patrimoine horloger du Val-de-Travers – pendules, horloges, montres et mécanismes divers qui racontent quelques trois siècles d’histoire.

Le label Qualité Fleurier

Créée en juin 2001, inaugurée en 2004, la Fondation Qualité Fleurier marque le goût de la région pour la précision horlogère et la beauté esthétique. Lancée à l’initiative de plusieurs marques installées dans le Val-de-Travers (Chopard, Bovet Fleurier, Parmigiani Fleurier et Vaucher), la Fondation est un organisme indépendant qui délivre une certification de haute qualité horlogère, le poinçon Qualité Fleurier.

Toute certification auprès de la Fondation nécessite de réunir 5 conditions :

  • La fabrication de la montre doit être entièrement suisse
  • Le mouvement doit répondre à des critères de finition esthétique exclusifs
  • Le mouvement doit avoir franchi avec succès une batterie de tests de vieillissement
  • Le mouvement doit au préalable être certifié chronomètre par le Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres
  • La montre est testée par un simulateur qui reproduit les mouvements d’un porteur humain, avec alternance de phases actives et calmes

La double particularité de cet organisme prestigieux réside dans l’attention portée à l’esthétique et aux finitions, et dans le fait que sa certification est la première à porter sur une montre terminée, présentée dans son habillage définitif et prête à être commercialisée. Ouvert à tous les producteurs suisses de haute horlogerie mécanique, le poinçon « Qualité Fleurier » démontre, s’il en fallait, que le rayonnement de la région en matière d’horlogerie n’est pas prêt de connaître une nouvelle phase d’ombre.